dimanche 11 août 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils (XXVIII)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

Ceci constitue probablement la dernière chronique sur toute cette histoire.
Merci à ceux qui ont lu et qui nous ont apporté soutient et réconfort à travers toutes les épreuves.

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Chronique 28: Comment je Souhaite la Meilleure Vie à mon Fils


Nicolas,

Tu es le garçon que nous attendions, mais la vie a fait en sorte que tu ne sois pas comme nous l’attendions. Ce n’est pas ta faute.

À plusieurs moments, nous t’avons accompagné sur le chemin qui nous croyions allait t’amener vers la mort. Tu nous as au contraire montré le chemin de ta vie. À plusieurs reprises je t’ai dit que si tu voulais te laisser aller, de le faire, que nous serions avec toi jusqu’à la fin. Nous étions prêts en autant qu’un parent peut être prêt à ce genre de chose. Je t’ai même dit une fois que si tu voulais mourir, c’était le temps, mais que si tu voulais vivre et te battre, nous nous battrions avec toi et te trouverions une famille où il te ferait bon vivre. Tu as fait  ton choix. Tu as décidé envers et contre tous de vivre. Et nous nous sommes battus avec toi. Nous avons lutté pour que tu respires seul. Nous avons bataillé pour que tu puisses boire tes biberons le mieux possible.  Nous avons insisté pour que tu prennes moins de médicaments. C’est le minimum que nous voulions pour toi.

Nous avons toujours cru que le rôle de parent était d’accompagner son enfant le plus loin possible et de le laisser voler de ses propres ailes par la suite. Nous avons été le plus loin que nous pouvions. On dit que la partie la plus difficile de l’amour c’est d’apprendre à laisser partir. Alors voilà mon fils. Nous te laissons partir. Là où nous espérons que tu ais la meilleure vie possible.

Bientôt tu devras devenir uniquement Nicolas pour nous. Mais sache que dans nos cœurs, dans nos pensées, dans nos vies tu resteras toujours notre fils. Ta place est acquise dans notre histoire.  Tu seras toujours en vie avec nous. Nous aurions aimé que ça se passe autrement, mais nous croyons que tout est pour le mieux.

Je te dis à bientôt Nicolas. Dans cette vie ou dans une autre, nous te retrouverons et tous, nous serons heureux.

Nous t’offrons nos derniers bisous et une dernière parcelle d’amour.

Nous t’aimons fort.

Papa, maman et ta grande sœur biologique.

samedi 10 août 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils XXVII

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 27 : Le Dernier Acte

Jeudi 8 août


Le dernier acte fait souvent référence à la fin de l’histoire, le dénouement. C’est vrai dans ce cas-ci, mais il fait aussi référence à notre dernier acte en tant que parent biologique.  Cela s’est passé ce jeudi alors qu’on a été convoqué par le centre jeunesse à l’hôpital Pierre-Boucher afin de signer les papiers de consentement à l’adoption. Ce fut une étape importante mais somme tout ennuyeuse et je vous ferai grâce des détails juridique qui entourent cette rencontre.

Le point à retenir c’est qu’à partir du moment que ce consentement sera enregistré au centre jeunesse (le lendemain matin), nous n’avons plus légalement les droits et la responsabilité de notre fils. Après ce qui nous a paru une si longue attente, ça ne nous a pas bouleversé plus qu’il ne faut. Nous sommes confiants en notre décision et nous étions bien préparés à cette étape. 

Nous avions prévu aller voir Nicolas avec Anabelle pour en quelque sorte boucler la boucle. Pour nous, c’était important qu’Anabelle voie une dernière fois son petit frère, qu’elle lui fasse ses adieux. Ça servira d’ancrage, de point de repère dans le temps lorsqu’elle posera des questions sur son petit frère. Mais nous n’avions jamais imaginé que ce serait par la même occasion nos derniers moments avec lui. Quand je lui ai annoncé que nous irions voir son petit frère pour une dernière fois et que par la suite, il irait dans une nouvelle famille et que nous ne le reverrions plus, elle s’est exclamée : ‘Mais moi je l’aime Nicolas!’. Oui Anabelle, on l’aime tous Nicolas. Mais tout ça c’est pour son bien. Je ne suis pas certain qu’elle comprenne, mais au moins, j’ai la satisfaction d’être honnête avec elle. J’espère que ça, elle le ressent.

Le soir arrive et nous nous rendons à la Maison Desjardins. J’appréhende ce moment. Nous avions toujours pensé que ce serait très difficile, très triste.  Nous avons amené appareil photo et caméra vidéo. Ce seront les derniers souvenirs que nous pourrons rapporter de lui, de notre petite famille qui n’aura pas durée trop longtemps. En arrivant, Anabelle se dirige prestement vers Nicolas et se mets à lui parler et à lui flatter la tête, comme s’il avait toujours été avec nous. Maman et moi nous regardons. Nous avons le même regret, la même tristesse.

Nous amenons Nicolas dans sa chambre pour plus d’intimité. Anabelle veut bercer Nicolas. Elle lui chante Twinkle, Twinkle Little Star. La plus belle chanson que j’ai entendue Anabelle chanter. Nicolas l’écoute, il est silencieux. Un moment magique heureusement capté sur vidéo. Nous prenons des photos. Maman le berce. Je le fais à mon tour. Je tente de lui donner son biberon, ça ne fonctionne pas. Maman essaye, ça fonctionne. Je prends encore des photos. Anabelle fait un dessin pour Nicolas. J’écris son nom sur le dessin. Je ne sais pas si les parents adoptifs le garderont. Je le souhaite. Anabelle lui laisse la pieuvre musicale. C’était un cadeau qu’elle avait reçu à sa naissance. C’est le jouet favori de Nicolas selon les infirmières.

Il est temps de partir. Anabelle commence à s’impatienter. Elle a déjà été un ange jusqu’à là. Nous changeons la couche de Nicolas. Nous demandons  à l’infirmière de prendre une photo de famille. La seule que nous aurons avec les quatre membres de la famille. Anabelle le tient dans ses bras avec papa et maman à ses côtés.

Nicolas se mets à pleurer. Maman le prend dans ses bras, il s’endort tranquillement. Maman le remet dans son lit. Elle lui donne un baiser, une dernière caresse. Elle lui chuchote à l’oreille. Anabelle lui donne aussi un baiser et lui souffle quelques mots doux. Elles quittent sur la pointe des pieds. Je me penche au-dessus de lui. Tout endormi, tout tranquille. Je voudrais lui dire adieu, mais j’en suis incapable. Je sens les larmes montées et la gorge nouée, je lui dis simplement au revoir et je dépose un baiser sur son front. Et un deuxième. Puis un dernier.

Je me dirige vers Maman et Anabelle et tous ensembles nous sortons de la vie de Nicolas. Tout simplement sans un regard en arrière, sans pleurs, sans crises. Il n’y a aucune tristesse, aucune joie, aucun soulagement. Il n’y a que nous et l’avenir qui se dessine à chacun de nos pas.
 
Et le rideau tombe sur le dernier acte de cette histoire.

vendredi 9 août 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils XXVI

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 26 : Le Contrôle

Mercredi 7 août

Depuis le début de cette histoire, il devient encore plus flagrant que nous n’avons pas beaucoup de contrôle sur ce que la vie nous apporte. La mort, la vie, la maladie, les enfants, la météo, la chance, la malchance, les émotions. Bien sûr, on se donne beaucoup d’outils pour se bercer de l’illusion que nous contrôlons ce qui nous arrive et nous nous y accrochons de toute nos forces, car le contraire serait plus effrayant encore ; que nous sommes à la merci de la vie.

En fait ce n’est pas complètement vrai. Nous ne contrôlons rien de ce qui nous entoure, mais il y a au moins une chose que nous pouvons contrôler, ce sont nos décisions. Personne ne peut les prendre à notre place. Bien sûr, on peut essayer de nous influencer, mais il reste qu’en bout de ligne, ce sont nos décisions. Par contre, les conséquences de celles-ci, on ne peut les contrôler et c’est ce qui fait le plus peur, qui fait que nous hésitons souvent devant certaines options et que nous avons souvent de la difficulté à assumer nos choix. On essaye de minimiser ceci et maximiser cela, mais au bout du compte, nous n’avons aucune idée de la conséquence réelle de nos décisions.

C’est ce qui fait le plus peur dans notre décision de mettre Nicolas en adoption. Nous assumons notre décision, nous sommes confiants qu’elle est la moins pire que nous puissions prendre, mais qu’aura-t-elle comme conséquence cette décision sur nous, notre couple, notre santé mentale, notre bonheur? Mais s’il n’y avait que nous, il y a aussi Nicolas, Anabelle, les membres de la famille, la famille adoptive. Tant d’inconnus et rien que nous ne pouvons contrôler.

Mais il arrive que ce qu’on tente tant bien que mal de contrôler se retrouve entre les mains d’autres personnes et que nous sachions en bout de ligne que ce sont eux qui prendront la décision et nous qui subiront les conséquences, ça devient plus difficile encore à accepter. Je pense entre autres à ceux qui aiment si fort Nicolas mais qui devront s’en séparer à tout jamais à cause de notre décision.

Mais je pense aussi à la famille adoptive. Nous savons maintenant que la DPJ a donné son accord à la famille qui se faisait évaluer. Celle-ci semble toujours se montrer réticente à une certaine ouverture envers nous. Une amie a maman qui a adopté et qui ne voulait pas rencontrer les parents biologiques nous a aidé à comprendre les raisons de cette réticence. Mais nous nous étions imaginé tout plein de scénario de comment le ‘transfert’ se ferait, mais au bout du compte, ce sont eux qui ont le choix final sur la façon que ça se déroulera. Et pour l’instant, tout semble indiquer que nous devrons laisser Nicolas un beau soir dans sa maisons d’accueil, le regarder une dernière fois et le quitter à jamais, sans avoir la moindre idée d’où il s’en va, sans être même capable de se l’imaginer. On aurait aimé que ça se passe différemment, comme nous l’aurions souhaité et imaginé, mais comme bien des choses, ce n’est pas sous notre contrôle et nous devons suivre la vague. C’est le prix à payer pour notre choix j’imagine.

mardi 23 juillet 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils (XXV)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 25 : Le Doute

23 juillet 2013 

Ça fait un bon bout de temps que je n’ai pas écrit. Le besoin s’en fait moins sentir. Maman aussi écrit moins dans son journal. La situation se stabilise. La vie reprend son cours… enfin une partie de la vie. 

Nicolas est maintenant rendu dans son centre d’accueil depuis plus d’un mois. Les gens là-bas s’en occupent bien. De ce que l’on peut constater, il y est bien. Il ne semble pas s’ennuyer de nous. Maman va le voir deux fois par semaine et moi une fois. Nous tentons de prendre nos distances. Nous gardons nos fins de semaine pour nous, pour se retrouver en famille, se refaire une santé mentale 

Nicolas a eu quelques rendez-vous à l’hôpital. Un rendez-vous en urologie qui nous a appris qu’il avait encore du reflux et une hydronéphrose. Ça c’était quelque peu amélioré, mais il doit continuer à être suivi et continuer de prendre des antibiotiques préventifs. Il a eu son examen ophtalmologique. Ses hémorragies sont pas mal disparues, mais on lui a trouvé une myopie d’environ 2. Les enfants, habituellement en jeune âge ont une légère hypermétropie qui évolue tranquillement vers la normalité ou vers une myopie. On peut alors déjà assumer que Nicolas souffrira d’une bonne myopie à un très jeune âge. 

À son nouveau centre, Nicolas a continué d’être sevré du phénobarbital. Par contre, à son deuxième vendredi au centre, alors que j’allais le visiter, il s’est mis à refaire des convulsions avec arrêts respiratoires. Ça faisait un bon moment qu’il n’en avait pas fait. Je ne sais pas si c’est l’habitude qui se perd, mais je trouvais que ses apnées étaient plus sévères qu’avant, plus douloureuses et qu’il avait plus de difficulté à retrouver son souffle. Les infirmières là-bas étaient un peu paniquées  et ne savait pas trop quoi faire. Finalement, ils ont arrêtés le sevrage du phénobarbital et augmenter sa dose de Topamax. Depuis, il est stable. Au moins, nous avons l’impression que son sevrage lui permet d’être plus éveillé. 

Nous espérions que ses épisodes d’éveil prolongés l’aideraient à évoluer plus vite. Il reçoit la visite d’une pédiatre 1 fois par 6 semaines et d’une physiothérapeute 1 fois par semaine. Elles lui font faire des exercices pour tenter d’améliorer son hypotonie, sa poursuite du regard, bref, tout ce qu’un bébé devrait faire. Pour maman et moi, nous ne trouvons pas qu’il progresse, mais les infirmières là-bas n’arrêtent pas de nous dire combien il n’est pas si en retard que ça. C’est peut-être parce qu’elles ont l’habitude de côtoyer des enfants avec handicaps lourds alors que de notre côté, nous avions seulement l’expérience d’une fille normale. 

Au début, ça nous a fait souffrir. Elles semaient le doute en nous. Ce doute qui nous poursuivra encore longtemps : ‘Et s’il était normal finalement’. Ce doute nous ronge et fait ressortir en nous la culpabilité d’avoir pris la décision d’opter pour l’adoption pour Nicolas. Cette culpabilité de ne pas être assez forts pour s’occuper de notre propre enfant, de ne pas être à la hauteur. Bien que beaucoup de gens autour de nous nous avouent qu’ils n’en seraient pas plus capables, il reste que c’est nous qui devons vivre avec ce doute et la douleur de cette décision. Et on ne compte même pas la douleur qu’on peut causer aux autres qui subiront aussi les conséquences de notre choix. Nous ne serons pas les seuls impactés, il y aura Anabelle, les grands-parents, les cousins-cousines, les oncles et les tantes, les arrière-grands-parents. Quand Nicolas sortira de notre vie, c’est de la vie de tous ces gens qu’il sortira. Ça causera de la peine et de la tristesse et ce sera en quelque sorte de notre faute. Il faut apprendre à vivre avec ça. 

Il reste que lorsque nous voyons Nicolas, nous ne voyons pas de progrès. Il a maintenant presque 5 mois, il ne tient pas complètement sa tête seul, suit très faiblement du regard, sinon pas du tout. Il ne démontre presque pas  d’intérêt pour ses jouets ou même les gens autour de lui. C’est comme s’il était enfermé dans son propre monde. Il babille beaucoup et sa préhension est meilleure. Je ne suis pas certain qu’il sourit, il semble faire un début de sourire, mais maman et les infirmières m’affirment qu’il fait de beau sourires de temps en temps. Ses périodes d’éveils prolongées viennent aussi avec plus de pleurs, il semble également faire des coliques. Cela a pour conséquence que pour le peu de temps de que nous le voyons, il passe plus de temps à pleurer qu’auparavant.  

Nous avons eu de nouvelles de l’association Emmanuel. La famille est trouvée et en processus d’accréditation. Ils sont très impatients de voir Nicolas. Nous n’avons pas beaucoup d’information sur eux, mais nous savons qu’ils ont des enfants dont au moins un handicapé.  Ça nous a donner un choc d’apprendre ça. Une famille qui a la force d’adopter deux enfants handicapés alors que nous sommes incapables de nous en occuper d’un, a fortiori, le nôtre. Mais nous nous résonnons en nous disant qu’au moins, ils savent dans quoi ils s’embraquent. Nous croyons qu’après tout ce qu’il a vécu, Nicolas mérite d’être avec des parents qui sont prêts et qui veulent s’en occuper. Nous espérons de tout cœur qu’ils soient accrédités et nous  sommes très reconnaissants que des parents  comme eux, puissent exister.
 
Maman a recommencé à travailler. Elle est en contact avec le publique alors on lui parle souvent de sa précédente grossesse et elle est obligée de raconter cette histoire ou une version très abrégées régulièrement. C’est pénible, mais elle reçoit de temps en  temps des témoignages qui supportent sa décision. Retourner au travail, s’occuper l’esprit lui fait  du bien.  Elle sait que ce ne sera pas toujours  facile et que par moment, elle  ressentira la tristesse du deuil surtout lorsqu’il sera dans sa famille définitive. Travailler est une façon de mettre son focus sur le futur sans son fils et reprendre sa vie en mains. Travailler est en quelque sorte la manière de ne pas laisser cette dure épreuve la submerger et  prendre toute la place dans  sa vie. 

Nous pansons nos plaies. Nous tentons de continuer à vivre. Nous appréhendons la douleur (la nôtre comme celle des autres) qui surviendra lorsque l’adoption sera amorcée. Nous espérons autant pour nous que pour Nicolas que ce sera plus tôt que tard. Il est temps que tout le monde tourne la page de ce triste épisode.

dimanche 2 juin 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils (XXIV)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 24 : Une Nouvelle Famille pour Nicolas

Jeudi 30 mai

Nicolas avait un rendez-vous au Children aujourd’hui en audiologie. Une longue journée que maman a passé à être envoyée d’un bord et de l’autre de l’hôpital. Heureusement, une amie merveilleuse est venue lui tenir compagnie. Les résultats sont encourageants. Il semblerait qu’il accumule un peu de liquide dans les oreilles, mais pas tant que ça. Il semble aussi avoir quelques difficultés avec les sons graves, mais le résultat sommaire, il entend. Il reste à se demander maintenant pourquoi il ne réagit pas automatiquement quand on lui chante des chansons ou qu’on lui parle. Il fut examiné par un ORL aussi, elle remarque aussitôt, les oreilles et la bouche, la différence avec la normalité.

La grosse nouvelle nous est venue par la suite. L’Association Emmanuel nous apprend qu’elle a trouvé une famille potentielle d’adoption pour Nicolas. Elle ne peut pas vraiment nous donner de détails, mais c’est une famille qui n’est pas encore accréditée par la DPJ et elle ne sait pas combien de temps le processus peut prendre. De plus, elle nous demande de réfléchir à comment nous entrevoyons le moment de laisser partir Nicolas. Pour nous, ça toujours été clair. Nous tenons fortement à donner le bébé en mains propres à la famille adoptive. Une forme symbolique de passation des pouvoirs. Une façon d’affirmer une continuité dans la vie de Nicolas. Une occasion de voir un peu la famille adoptive, de se faire une image de ce que sera sa vie plus tard. Nous ne voulons pas laisser Nicolas seul un soir dans son lit sachant que nous ne le reverrons plus jamais, ça serait pour nous comme un abandon.

La madame de l’association nous prévient que dans son processus de trouver une famille, elle s’est concentrée sur le bien-être présent et futur de Nicolas et elle nous prévient que la famille trouvée ne correspond probablement pas à la famille idéale que nous imaginions. Lire ici que l’adoption somme toute ouverte est plutôt litigieuse. En effet, elle nous confirme que le couple ne serait pas très à l’aise que nous allions porter Nicolas dans leur maison. Ça nous est un peu égal, nous ne tenons pas à savoir leur adresse ou leurs noms mais le remettre en mains propre est important pour nous. Nous voulons aussi dire de vive voix merci à cette famille d’être forte là où nous sommes plus faibles. Merci de s’occuper de notre Nicolas chéri. Tout cela reste encore à être déterminé et discuté.

Cette nouvelle contrairement à celle du centre d’accueil nous cause moins de d’émotions vives. Peut-être la précédente nous préparait pour celle-ci. Peut-être aussi parce que pour nous, l’adoption est ce qui faisait le plus de sens et ce qui est le mieux pour lui.
Dans tous les cas, nous approchons de la fin, ou du début d’un temps nouveau.

samedi 1 juin 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils (XXIII)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 23 : Une Nouvelle Maison pour Nicolas

Lundi 27 mai – Mercredi 29 mai

Comme si quelqu’un avait finalement entendu nos prières. Lundi maman apprend de la travailleuse sociale que le CMR (Centre Montérégie de Réadaptation) accepte de prendre en charge Nicolas. Il aura donc une famille d’accueil. Maman se sent soulagée. Elle et la travailleuse sociale rient et sont de bonne humeur. Les infirmières se demandent ce qui ce passe. Mais en même temps, maman se sent mal-à-l’aise de se sentir soulagée. Cette nouvelle annonce le début d’une nouvelle étape. Nous pourrons commencer tranquillement à retrouver une vie normale. Mais d’un autre côté, elle ressent aussi un vide, une tristesse de bientôt dire au-revoir à un être si fragile, qui n’a jamais demandé à être dans l’état qu’il est. Un être qu’elle a bercé, cajolé, aimé et dont elle doit se séparer.

Maman m’appelle au travail pour m’annoncer la nouvelle. Pour ma part, je suis aussi un peu soulagé, mais mon premier réflexe est de ressentir un petit vide qui se creuse dans mon cœur. Pourtant, je ne le vois pas aussi souvent que maman. C’est peut-être justement une sorte de culpabilité de ne pas l’avoir assez vu, de ne pas m’en avoir assez occupé. Mais je sais aussi que j’aurais eu beaucoup de misère à en faire vraiment plus. Je commence tranquillement à voir le bon côté des choses, les semaines et fins de semaine moins chargées, la possibilité de prendre un peu plus de temps pour nous et l’opportunité de commencer à se détacher tranquillement en vue de l’adoption.

Le lendemain, nous avons un peu plus de détails. Ce n’est pas une famille d’accueil en tant que tel qui recevra Nicolas. C’est un centre à Longueuil qui se nomme Maison Desjardins. Affiliée au CMR, ce centre prend en charge 5-6 enfants seulement qui présentent de lourds handicaps physiques et par le fait même, plus souvent qu’autrement, un handicap mental. Nous prenons un rendez-vous pour le lendemain afin d’aller visiter ce centre.

Le soir même, nous recevons un message de l’Association Emmanuel qui nous dit que le dossier avance. Nous nous questionnons à savoir ce que veut dire ‘avance’, mais nous ne creusons pas le sujet.

Comble de malchance, nous apprenons aussi que le mari de la gardienne d’Anabelle doit aller d’urgence à l’hôpital et donc la garderie sera vraisemblablement fermée le lendemain matin. Nous devons trouver un plan B pour Anabelle. Mamie ne peut pas garder. Un plan C alors? Malheureusement, nous n’en trouvons pas. Nous nous résignons à amener notre fille avec nous à la maison Desjardins en nous questionnant à savoir si c’est vraiment une bonne idée.

Le lendemain, c’est moi qui vais m’occuper de Nicolas le matin. En arrivant, il boit un biberon. Il est réveillé. C’est plutôt rare que je le vois de la sorte. Je continue à lui donner son boire et il fait quelque chose qu’il n’a jamais fait jusqu’à présent. Il tient mon petit doigt dans sa main et serre. Ça me rappelle des souvenirs d’Anabelle. Elle faisait souvent cela. Par la suite, je joue un peu avec lui. Je trouve que sa préhension s’est améliorée, mais il n’est toujours pas intéressé par ce que je lui dis ou parce que je lui montre. Il finit par s’endormir et moi je l’imite.

En après-midi, nous nous rendons à la maison Desjardins. Les responsables sont d’une gentillesse exemplaire. Elles prennent le temps de nous écouter et de nous expliquer le fonctionnement de la maison et de nous faire visiter. Nous voyons la future grande chambre de Nicolas et son futur lit temporaire. Nous voyons qu’ils ont une grande terrasse, une belle balançoire et une piscine creusée. Un endroit idéal pour passer de beaux moments à l’extérieur. Le fonctionnement est assez simple. Il y a toujours une infirmière sur place et il y a toujours quelqu’un pour s’occuper des enfants. Plusieurs spécialistes comme des pédiatres, des ergothérapeutes et même des éducateurs scolaires sont présents à leur tour pour stimuler le plus possible les enfants selon leur plan d’intervention indiviudalisé. Je crois que Nicolas y sera bien et beaucoup plus stimulé. Je n’ai rien à enlever aux infirmières de l’hôpital, elles s’en occupent de façon extraordinaire, mais je crois sincèrement qu’il est temps que Nicolas voit autre chose que quatre murs d’hôpital.

Pendant la visite, Anabelle me demande : ‘Est-ce que c’est la nouvelle famille de mon petit frère?’ Ça me surprend toujours de voir à quel point elle absorbe tout ce qui se passe et qu’elle comprend, à sa manière, tout ce qui se passe à propos de Nicolas. Ça me fend le cœur de voir à quel point elle se soucis de lui et à quelle point elle a de l’empathie pour les autres. Un enfant du centre pleurait et elle voulait savoir pourquoi. Elle est allée le voir et lui a fait un câlin. Mon cœur pleurait de voir à quel point elle aurait été géniale avec son petit frère.

C’était le côté positif du centre. Le côté moins rose, ce sont les enfants qui y vivent. Ce sont clairement des enfants très hypothéqués par la vie. La plupart d’entre eux ont une stomie gastrique pour être gavé, car ils ne mangent pas par la bouche. Ils sont tous en chaise roulante. Ils n’ont pas l’air malheureux du tout. Ce fut un choc pour maman. Nicolas avait l’habitude d’être le cas le plus lourd de son environnement. Il deviendra là-bas en fait le cas le plus léger côté soins. Ça nous laisse imaginer ce que Nicolas peut devenir. La probabilité existe. De mon côté ça me frappe un peu moins, je suis comme convaincu que Nicolas n’est pas comme ça. Qu’il est juste là de façon temporaire le temps de trouver une famille d’adoption. Mais je fais du déni. Avec tout ce qu’il a vécu jusqu’à présent, les chances qu’il soit un cas lourd sont très bonnes.

Ils ont très hâte de l’accueillir là-bas. Ils n’ont pas souvent l’occasion de s’occuper d’un aussi petit bébé. Nicolas produit cet effet. Tout le monde veut s’en occuper. C’est un bébé après-tout.
 
De retour à la maison, maman a beaucoup pleuré. Un ressac d’émotions. Le choc de réaliser pour vrai ce que Nicolas peut devenir. L’anxiété de quitter un lieu qui nous est maintenant familier pour s’adapter à un autre. Ce soir-là, nous parlons beaucoup maman et moi. Nous questionnons nos motivations, le bien fondé de nos décisions. Est-ce qu’on veut toujours aller dans cette direction. Nous convenons que l’adoption reste pour nous encore la meilleure solution. Avoir une famille, un père et une mère pour qui il serait la prunelle de leurs yeux, voilà ce que ça prend pour Nicolas. Il ne doit pas être un parmi tant d’autre comme lui, mais il doit trouver sa place comme l’être spécial qu’il est.  S’il peut avoir cette chance, on se doit de la lui donner.  

mardi 28 mai 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils (XXII)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 22 : Des Progrès pour Nicolas

Lundi 13 mai – Dimanche 26 mai

Nicolas a un rendez-vous chez le neurologue au Children le 15 mai. C’est la première fois que maman et moi amenons Nicolas pour une ‘ballade’ tout seul en voiture comme si tout était normal. Nous espérons cette fois-ci avoir des réponses à nos questions. Je m’installe à l’arrière avec Nicolas pendant que maman conduit afin de m’en occuper s’il a besoin de quoique ce soit. Mais Nicolas dors profondément, comme à son habitude.

À notre arrivée, nous voyons l’infirmière des soins palliatifs qui nous attend. Elle participera au rendez-vous avec nous. Elle prend des nouvelles de Nicolas. Nous lui confions nos impressions. C’est presque comme si nous n’étions jamais partis.

Par la suite, nous rencontrons une nouvelle neurologue. Elle est très sympathique. Elle nous dit que c’est elle qui suivra Nicolas dorénavant. Elle nous résume un peu le cas de Nicolas et nous lui posons toutes les questions qui nous trottent dans la tête. Tout d’abord, son fameux EEG qui était ‘normal’ à son départ pour Pierre-Boucher. Elle nous confirme qu’en effet, il n’y avait plus de signe de convulsions dans son EEG. Par ailleurs son activité cérébrale de base s’est beaucoup améliorée. Il est encore un peu lent, mais par rapport à ses premiers EEG, c’est une bonne amélioration. Maman et moi nous nous regardons. Ça veut dire quoi tout ça? Mais nous savons aussi que sa condition première est son anomalie génétique et que les convulsions et les EEG anormales ne sont que des conditions aggravantes. J’essaye encore une fois de demander à la neurologue quels sont les pronostics, mais elle ne peut nous donne de réponses précises. Elle entrevoit déjà un retard moteur certain. Pour ce qui est du reste, elle ne peut pas s’avancer. Elle nous montre son IRM et on voit la partie floue dont on nous parlait, sa possible polymicrogyrie. Elle nous dit que ça pourrait être ce qui cause ses convulsions mais que ça ne pouvait être rien ou bien ça pourrait partir avec la maturation du cerveau. On ne pourra en avoir le cœur net uniquement après 3 ans, alors que le cerveau commence à être assez mature pour que l’on puisse vraiment déterminer l’état de son cerveau.

Côté médicament, elle trouve qu’il en a beaucoup trop. Elle nous explique que différents neurologues ont différentes approches. De son côté, elle préfère que les enfants aient le moins de médicaments possible. Selon elle, si les enfants sont sous phénobarbital comme Nicolas, il est préférable de le sevrer avant 3 mois, car ça endort énormément. Lorsqu’un enfant dort trop cela compromet son développement car il est peu stimulé. Nous reconnaissons-là vraiment l’état de Nicolas et ça rejoint exactement ce que nous pensons. Nous convenons d’un plan pour tenter de diminuer tranquillement le phénobarbital de la semaine suivante.

Nous ressortons de ce rendez-vous avec l’impression que finalement, son état n’est peut-être pas aussi critique que nous le croyons, enfin du côté neurologique. La probabilité de retard moteur et mental reste quand même extrêmement élevée par la nature de son anomalie génétique.

Le lendemain, maman relate la rencontre avec la neurologue au pédiatre et cette dernière  décide de tout de suite rajuster à la baisse sa dose de phénobarbital. Elle venait très récemment de la rajuster à la hausse à cause de la prise de poids de Nicolas.  Notre fils a bien réagit jusqu’à maintenant. Il n’a pas fait de convulsions et ses doses sont diminuées de 0.5 ml par semaine. Il en a pour au moins un mois avant le sevrage complet.

Pendant ce temps, la pédiatre demande une radiographie des poumons de Nicolas, car elle trouve qu’il respire un peu vite pour son âge. Ça pourrait être le signe qu’il s’est aspiré. Il pourrait donc y avoir des gouttelettes de lait dans ses poumons. Si c’est le cas, on devra épaissir encore plus le lait ou bien recommencer le gavage régulier afin d’éviter que cela se reproduise et amène à une pneumonie. Le lendemain, la pédiatre revient avec les résultats : tout est beau concernant ses poumons. Nous poussons un soupir de soulagement.  

Par ailleurs, la DPJ et le CMR se renvoient toujours la balle pour savoir qui des deux va vouloir s’occuper de Nicolas. Après une ouverture de la DPJ pour ne pas faire de signalement pour abandon et remettre le dossier dans les mains du CMR, celle-ci en est encore à se demander s’il est un bon candidat pour eux.

Dans tout cela, nous désespérons. Il devient de plus en plus difficile de se retrouver en famille ou même comme couple. Nos fins de semaine sont partagées entre Anabelle et Nicolas. Nous trouvons que la situation traine en longueur. Maman trouve de plus en plus pénible d’aller tous les jours de la semaine à l’hôpital et voir que la situation n’avance guère. Elle a l’impression que sa vie est sur le mode ‘’attente’’ depuis plus d’un mois et demi. Étant donné que nous n’avons pas de nouvelles sur une date possible de placement pour notre fils, on dirait que nous faisons du sur-place, ne pouvant rien planifier dans le futur .Ça joue sur le moral. Maman entrevoit déjà son retour potentiel au travail. Pour elle, de se fixer une date de retour lui permet de visualiser un peu plus ce qui l’attend. Elle me demande si j’accepterais de la remplacer à l’hôpital si rien ne change dans un mois. Je lui dis que oui, mais que je ne serais surement pas capable de faire aussi longtemps qu’elle.

 Bref, il est temps que ça avance.