-----------------------------------------
Chronique 27 : Le Dernier Acte
Jeudi 8 août
Le dernier acte fait souvent
référence à la fin de l’histoire, le dénouement. C’est vrai dans ce cas-ci,
mais il fait aussi référence à notre dernier acte en tant que parent biologique. Cela s’est passé ce jeudi alors qu’on a été convoqué
par le centre jeunesse à l’hôpital Pierre-Boucher afin de signer les papiers de
consentement à l’adoption. Ce fut une étape importante mais somme tout
ennuyeuse et je vous ferai grâce des détails juridique qui entourent cette
rencontre.
Le point à retenir c’est qu’à partir
du moment que ce consentement sera enregistré au centre jeunesse (le lendemain
matin), nous n’avons plus légalement les droits et la responsabilité de notre
fils. Après ce qui nous a paru une si longue attente, ça ne nous a pas
bouleversé plus qu’il ne faut. Nous sommes confiants en notre décision et nous
étions bien préparés à cette étape.
Nous avions prévu aller voir
Nicolas avec Anabelle pour en quelque sorte boucler la boucle. Pour nous, c’était
important qu’Anabelle voie une dernière fois son petit frère, qu’elle lui fasse
ses adieux. Ça servira d’ancrage, de point de repère dans le temps lorsqu’elle
posera des questions sur son petit frère. Mais nous n’avions jamais imaginé que
ce serait par la même occasion nos derniers moments avec lui. Quand je lui ai
annoncé que nous irions voir son petit frère pour une dernière fois et que par
la suite, il irait dans une nouvelle famille et que nous ne le reverrions plus,
elle s’est exclamée : ‘Mais moi je l’aime Nicolas!’. Oui Anabelle, on l’aime
tous Nicolas. Mais tout ça c’est pour son bien. Je ne suis pas certain qu’elle
comprenne, mais au moins, j’ai la satisfaction d’être honnête avec elle. J’espère
que ça, elle le ressent.
Le soir arrive et nous nous rendons
à la Maison Desjardins. J’appréhende ce moment. Nous avions toujours pensé que
ce serait très difficile, très triste. Nous
avons amené appareil photo et caméra vidéo. Ce seront les derniers souvenirs
que nous pourrons rapporter de lui, de notre petite famille qui n’aura pas
durée trop longtemps. En arrivant, Anabelle se dirige prestement vers Nicolas
et se mets à lui parler et à lui flatter la tête, comme s’il avait toujours été
avec nous. Maman et moi nous regardons. Nous avons le même regret, la même
tristesse.
Nous amenons Nicolas dans sa
chambre pour plus d’intimité. Anabelle veut bercer Nicolas. Elle lui chante Twinkle, Twinkle Little Star. La plus
belle chanson que j’ai entendue Anabelle chanter. Nicolas l’écoute, il est
silencieux. Un moment magique heureusement capté sur vidéo. Nous prenons des
photos. Maman le berce. Je le fais à mon tour. Je tente de lui donner son
biberon, ça ne fonctionne pas. Maman essaye, ça fonctionne. Je prends encore
des photos. Anabelle fait un dessin pour Nicolas. J’écris son nom sur le
dessin. Je ne sais pas si les parents adoptifs le garderont. Je le souhaite.
Anabelle lui laisse la pieuvre musicale. C’était un cadeau qu’elle avait reçu à
sa naissance. C’est le jouet favori de Nicolas selon les infirmières.
Il est temps de partir. Anabelle
commence à s’impatienter. Elle a déjà été un ange jusqu’à là. Nous changeons la
couche de Nicolas. Nous demandons à l’infirmière
de prendre une photo de famille. La seule que nous aurons avec les quatre
membres de la famille. Anabelle le tient dans ses bras avec papa et maman à ses
côtés.
Nicolas se mets à pleurer. Maman le
prend dans ses bras, il s’endort tranquillement. Maman le remet dans son lit.
Elle lui donne un baiser, une dernière caresse. Elle lui chuchote à l’oreille.
Anabelle lui donne aussi un baiser et lui souffle quelques mots doux. Elles
quittent sur la pointe des pieds. Je me penche au-dessus de lui. Tout endormi,
tout tranquille. Je voudrais lui dire adieu, mais j’en suis incapable. Je sens
les larmes montées et la gorge nouée, je lui dis simplement au revoir et je
dépose un baiser sur son front. Et un deuxième. Puis un dernier.
Je me dirige vers Maman et Anabelle
et tous ensembles nous sortons de la vie de Nicolas. Tout simplement sans un
regard en arrière, sans pleurs, sans crises. Il n’y a aucune tristesse, aucune
joie, aucun soulagement. Il n’y a que nous et l’avenir qui se dessine à chacun
de nos pas.
Et le rideau tombe sur le dernier acte de cette histoire.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire