samedi 10 août 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils XXVII

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 27 : Le Dernier Acte

Jeudi 8 août


Le dernier acte fait souvent référence à la fin de l’histoire, le dénouement. C’est vrai dans ce cas-ci, mais il fait aussi référence à notre dernier acte en tant que parent biologique.  Cela s’est passé ce jeudi alors qu’on a été convoqué par le centre jeunesse à l’hôpital Pierre-Boucher afin de signer les papiers de consentement à l’adoption. Ce fut une étape importante mais somme tout ennuyeuse et je vous ferai grâce des détails juridique qui entourent cette rencontre.

Le point à retenir c’est qu’à partir du moment que ce consentement sera enregistré au centre jeunesse (le lendemain matin), nous n’avons plus légalement les droits et la responsabilité de notre fils. Après ce qui nous a paru une si longue attente, ça ne nous a pas bouleversé plus qu’il ne faut. Nous sommes confiants en notre décision et nous étions bien préparés à cette étape. 

Nous avions prévu aller voir Nicolas avec Anabelle pour en quelque sorte boucler la boucle. Pour nous, c’était important qu’Anabelle voie une dernière fois son petit frère, qu’elle lui fasse ses adieux. Ça servira d’ancrage, de point de repère dans le temps lorsqu’elle posera des questions sur son petit frère. Mais nous n’avions jamais imaginé que ce serait par la même occasion nos derniers moments avec lui. Quand je lui ai annoncé que nous irions voir son petit frère pour une dernière fois et que par la suite, il irait dans une nouvelle famille et que nous ne le reverrions plus, elle s’est exclamée : ‘Mais moi je l’aime Nicolas!’. Oui Anabelle, on l’aime tous Nicolas. Mais tout ça c’est pour son bien. Je ne suis pas certain qu’elle comprenne, mais au moins, j’ai la satisfaction d’être honnête avec elle. J’espère que ça, elle le ressent.

Le soir arrive et nous nous rendons à la Maison Desjardins. J’appréhende ce moment. Nous avions toujours pensé que ce serait très difficile, très triste.  Nous avons amené appareil photo et caméra vidéo. Ce seront les derniers souvenirs que nous pourrons rapporter de lui, de notre petite famille qui n’aura pas durée trop longtemps. En arrivant, Anabelle se dirige prestement vers Nicolas et se mets à lui parler et à lui flatter la tête, comme s’il avait toujours été avec nous. Maman et moi nous regardons. Nous avons le même regret, la même tristesse.

Nous amenons Nicolas dans sa chambre pour plus d’intimité. Anabelle veut bercer Nicolas. Elle lui chante Twinkle, Twinkle Little Star. La plus belle chanson que j’ai entendue Anabelle chanter. Nicolas l’écoute, il est silencieux. Un moment magique heureusement capté sur vidéo. Nous prenons des photos. Maman le berce. Je le fais à mon tour. Je tente de lui donner son biberon, ça ne fonctionne pas. Maman essaye, ça fonctionne. Je prends encore des photos. Anabelle fait un dessin pour Nicolas. J’écris son nom sur le dessin. Je ne sais pas si les parents adoptifs le garderont. Je le souhaite. Anabelle lui laisse la pieuvre musicale. C’était un cadeau qu’elle avait reçu à sa naissance. C’est le jouet favori de Nicolas selon les infirmières.

Il est temps de partir. Anabelle commence à s’impatienter. Elle a déjà été un ange jusqu’à là. Nous changeons la couche de Nicolas. Nous demandons  à l’infirmière de prendre une photo de famille. La seule que nous aurons avec les quatre membres de la famille. Anabelle le tient dans ses bras avec papa et maman à ses côtés.

Nicolas se mets à pleurer. Maman le prend dans ses bras, il s’endort tranquillement. Maman le remet dans son lit. Elle lui donne un baiser, une dernière caresse. Elle lui chuchote à l’oreille. Anabelle lui donne aussi un baiser et lui souffle quelques mots doux. Elles quittent sur la pointe des pieds. Je me penche au-dessus de lui. Tout endormi, tout tranquille. Je voudrais lui dire adieu, mais j’en suis incapable. Je sens les larmes montées et la gorge nouée, je lui dis simplement au revoir et je dépose un baiser sur son front. Et un deuxième. Puis un dernier.

Je me dirige vers Maman et Anabelle et tous ensembles nous sortons de la vie de Nicolas. Tout simplement sans un regard en arrière, sans pleurs, sans crises. Il n’y a aucune tristesse, aucune joie, aucun soulagement. Il n’y a que nous et l’avenir qui se dessine à chacun de nos pas.
 
Et le rideau tombe sur le dernier acte de cette histoire.

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